Loris Gréaud au Palais de Tokyo

« Avec Cellar Door, un artiste français de moins de 30 ans investit pour la première fois les 4000 m2 du Palais de Tokyo pendant 3 mois: Loris Gréaud, passionné d’architecture, de mécanique quantique, diplômé en arts graphiques, fondateur d’un atelier de cinéma expérimental, producteur d’un label de musique électronique, chef d’entreprise. »
in Culture.fr

Jeunesse, moyens matériels – et financiers, centres d’intérêts qui laissent présager une curiosité insatiable … Le produit marketing est parfait, jusqu’à ces mots (malheureux ?) qui pourraient tout résumer : “chef d’entreprise”.

Le solo show en noir de Gréaud est une suite d’installations résolument monumentales, un “atelier” : une forêt calcinée dont le noir est de poudre (explosive ?); des néons dont le gaz est remplacé par du propane (boum ?); une sorte de cage noire, terrain de jeu pour une paint ball party (très à la mode); bonbons en distributeurs dont la saveur est à inventer;  sculpture de néons faites des lignes du plan du palais de Tokyo chiffonné;  peintures des photographies de sa précédente exposition au Plateau; musique électronique partout; et on en passe.

Quasiment tous les médias et les sens sont convoqués pour une immersion dans une oeuvre d’art voulue comme “totale”.

Cela fonctionne-t-il ? Sans doute si le regard est celui d’un business man. Moins sous l’oeil du curieux.

Car les annonces – pertinentes pour vendre – soulignent non sans ironie les points faibles de ce show hollywoodien : un espace trop grand où le propos se dilue jusqu’à se perdre : la forêt calcinée en devient un décor pour Disney; la jeunesse se fait brouillonne et prétentieuse, butinant sans ce fixer; une approche de zapping plastique dopé aux superproductions et au scientisme – Gréaud ne s’est pas retenu de montrer le pilotage par ordinateurs de son arme de séduction massive afin que nul ne puisse douter qu’il s’agit aussi d’un exploit technologique. Et le formatage induit par ce goût pour tout et finalement pour rien fait que si tout est neuf, rien n’est nouveau.

Sans doute y a-t-il des idées et même de la matière dans cette façon de jouer sur les “traces” ou les vestiges, d’une histoire, d’un signal ou d’un phénomène dont on appréhende l’existence sans en connaître exactement ni la nature ni le passé ni le devenr… Mais l’énormité du lieu et la vanité de la mise en oeuvre nuisent à la suggestion en tuant toute finesse, toute subtilité et finalement toute élégance, bref en frustrant l’imaginaire.

Alors espérons que Gréaud, aujourd’hui entrepreneur, saura redevenir artiste: c’est ce qu’on peut lui souhaiter de meilleur, sachant qu’il est inutile de lui présenter nos voeux de réussite : il n’en a provisoirement pas besoin !