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La mort de Louis XIV d’Albert Serra

Le film de Serra a fait sensation à Cannes: le cinéaste a eu l’idée de confier le rôle titre à Jean-Pierre Léaud. Allons sans détour, le comédien y est prodigieux.

Le pitch est simple : les derniers jours du « plus grand roi du monde », filmés au plus prêt, dans la souffrance – Louis XIV est mort de la gangrène, pourrissant sur place, sans que ses médecins ne tentent de le soulager. On voit immédiatement l’intérêt d’un film en costumes : l’histoire est connue – surtout ici, la Grande; il reste la façon de la raconter.

Le film est lent, parfois presqu’à l’arrêt. On entend Léaud mâcher, respirer, raller. Tout devient effort sous cette incroyable perruque. Autour du roi une Maintenon fantomatique qui ne dit rien ou si peu. Des médecins impuissants, dont Fagon qui n’ose ni le diagnostic, ni le remède. Des charlatans qui promettent des miracles en ventant des potions improbables. Des ducs et duchesses prêts à la pâmoison au moindre déglutissement. Le roi ralle; les médecins palabrent.

Serra est fidèle au récit de Dangeau1, mais l’édulcore, le condense – l’agonie a duré trois semaines ! La cour est clairsemée plus qu’elle ne devait l’être. Les ors rutilent moins que dans la chambre où mourut le roi et dont le décor est intact, au centre de Versailles. Des « mots » historiques, Serra ne retient que l’injonction au futur Louis XV prononcés le 26 aout vers midi et rapportée par Dangeau :

« Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d’être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre: c’est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela. J’ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l’ai soutenue par vanité. Ne m’imitez pas, mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets.»

Plus tard, dans l’après midi et cette phrase n’est pas reprise dans le film, le mourant déclare :

« C’est un enfant de 5 ans, qui peut essuyer bien des traverses, car je me souviens d’en avoir beaucoup essuyé pendant mon jeune âge. Je m’en vais, mais l’État demeurera toujours. »

... Mignon, vous allez être un grand roi...

… Mignon, vous allez être un grand roi…

L’extreme lenteur du film concentre le propos sur le corps agonisant du roi certes, mais plus encore sur l’impuissance de ses médecins et la soif de transmission mise en exergue par ce choix des citations, des moments, éliminant les autres.

Alors bien sûr la mort de Louis XIV n’est qu’un prétexte. S’agit-il d’être au chevet du cinéma lui-même comme l’a écrit Luc Chessel dans Libération ? Pas si sûr. Louis XIV ici est une forme abstraite, une allégorie de la toute puissance, un royaume a lui tout seul et c’est ainsi que l’incarne Léaud. En regardant ce film dont on attend la fin en se pourléchant des mets que le roi ne peut plus avaler, sourd le vertige de notre propre fin, pas seulement de l’être individuel, mais de l’Homme dans son entier.

Et si c’était notre impuissance à nous sauvez nous-même, à sauver non seulement l’espèce mais ce qui nous fait humain qui était en jeu ici ? N’est-ce pas tous ces « experts » qui tuent le roi – il aurait certes fini par mourir mais pas ainsi et plus tard ?

Serra d’ailleurs n’hésite pas à nous rappeler Molière et ses diatribes contre les Diafoirus…

Ainsi, derrière le film en costume, la beauté de tableaux parfois immobiles, surgit un présent dont on ne saurait plus dire s’il est en meilleur état, en miroir.

  1. Journal d’un courtisan, Tome XXIX, La mort du roi, Editions Paleo, 2012

Avatartine : bis repetita

C’est fait : Avatar a pulvérisé le recors de Titanic. Ne reste plus qu’Autant en emporte le vent (record de recettes de tous les temps), mais cela ne devrait pas durer. Une fois tous les records battus, on pourra enfin passer à autre chose.

Si vous pensez vraiment que ce film est LE chef d’œuvre alors vous avez surement pensés que Titanic l’était… et maintenant, que pensez vous de Titanic, « je suis le roi du monde« , etc ? Rien ? Alors vous savez déjà ce que vous penserez d’Avatar.

Les trois singes

« Les trois singes » de Nuri Bilge Ceylan a reçu le prix de la mise en scène au festival de Cannes 2008 : un titre qui, à tout le moins, pousse à la curiosité mais qui rend mal compte, me semble-t-il de la qualité réelle du film – et de ces défauts. Continuer la lecture