Avatarte

Difficile en cette période de début d’année d’échapper au « phénomène » Avatar, le dernier film de James Cameron.

Rien qu’en France, à ce jour et selon le site Allo Cine, le film a déjà enregistré prêt de sept millions huit cent mille entrées. Et l’aventure continue.

Le public apprécie et dans l’ensemble la presse n’a pas carbonisé le film. On doit donc s’attendre à ce que tous les records soient battus.

La seule question que je me pose, c’est pourquoi ?

La technique ? D’accord on a beaucoup parlé de l’image en 3D et de nouvelles cameras spécialement conçues pour le film afin de permettre ces effets promis comme magiques. C’est oublier un peu vite que la 3D est un procédé déjà ancien expérimenté par exemple par Hitchcock pour Le crime était presque parfait en 1954. Procédé stéréoscopique, qui est alors resté sans suite. Pourtant je ne pense pas que le public des années 50 fut moins amateurs de sensations que le public actuel. Moins blasé peut être; moins épris de technique un peu toc sans doute? Car si l’effet 3D est spectaculaire, on s’y habitue très vite: dans Avatar, je connais des spectateurs qui m’ont soutenu que tout le film n’était pas en 3D (sic). Or, si ! Et j’ajouterais: hélas ! En d’autres termes l’effet n’est pas à la hauteur de l’attente ni constamment réussi. Certains passages exploitent bien cette possibilité d’intrusion de l’image et donc du spectacle dans l’environnement du spectateur, mais cela reste finalement marginal. Les passages censés être les plus spectaculaires (l’attaque des bêtes fauves au début du film, la bataille finale) l’exploitent peu. Ceux qui comme moi, auront vu la publicité pour les bonbons Haribo avant le film, auront pu constater l’effet saisissant que peu produire l’immersion par la 3D, les bonbons vous fondant littéralement dessus. Mais la promesse d’avoir demain, chez soi, ces effets d’immersion créée un buzz impensable en 1954. L’industrie du DVD, BlueRay et consort est en berne : ouf, avec la 3D vous allez pouvoir renouveler votre matériel et relancer l’économie (à La soupe au chou en 3D j’en rêve déjà !). On me dit que cela n’a aucun rapport …

L’inventivité de l’image ? Que dire ? Qu’il y a de jolies plantes et de belles ET bleutés aux longues jambes et au regard de braise … (des stroumpfs qui auraient grandi en somme); qu’il y a des dragons terribles (déjà vus dans Dragons justement); d’incroyables machines humaines volantes (ouais, on a vu mieux dans Star Wars)… bref, personnellement j’ai trouvé ça joli, parfois, mais rarement très inventif. Revoyez le Monde de Narnia par exemple et vous verrez un bestiaire techniquement aussi convainquant – c’est tout dire. Quant au combat final, désolé, mais revoyez Apocalypse Now, …

Le combat écologiste ? Je vous arrête de suite: la fusion avec la nature en transe sous un arbre qui brille dans la nuit, à part sous extas, bonjour le message ! Certains pourtant y croient: lu par exemple dans le Monde 2 n°13 du 12/12/2009 une longue considération sur les lectures écolos de Cameron et notamment de La fin du pétrole de JH Kunstler. Etrange tout de même qu’un livre assez catastrophiste qui pronostique la fin de notre civilisation (d’ailleurs probable) se transforme en considération mystico ésotérique sur un culte de la nature quelque peu sectaire… le plat est très réchauffé et de mon point de vue un peu suspect.

Le scénario ? On s’enfonce. Vous avez vu Pocahontas ? Alors vous connaissez le scénario d’Avatar. Des méchants (blancs de préférences, terriens en tout cas, civilisés c’est encore mieux et effroyablement vaniteux comme il se doit), oppriment un peuple local (communiant avec la nature, gentil évidemment, moins blanc souvent, et peu civilisé c’est à dire ne disposant d’aucun moyen technologique lourd, puisque la technologie est le signe de la civilisation dans ce type de schéma); formulé autrement, une énième déclinaison cathartique pour soulager l’Occident des atrocités commises dans ses entreprise de colonisation, de la conquête de l’Amérique à la traite des noirs jusqu’aux guerres coloniales tardives. Pourquoi pas, d’ailleurs, quand c’est fait avec légèreté (Pocahontas). Mais justement, ici, le schéma est poussé à la caricature : terriens blancs contre ET bleus; chars d’assauts contre gros rhinos locaux; dragons contre hélicos … et puis quoi encore ?

La mise en scène ? Soit, si on veut pour ce genre de film… mais pas du tout au niveau d’un Miyazaki pour rester dans l’animation (puisqu’au fond c’est ce dont il s’agit)

La direction d’acteurs (dois je mettre le pluriel d’ailleurs ?) ? Vous aviez remarqué que le général Sylvestre droit sorti des guignols était dans le film ? (J’avoue avoir beaucoup rit à la prestation débile du colonel d’opérette joué par Miles Quaritch). Que Sigourney sert de caution et … ne sert absolument à rien dans ce film ?

Alors quoi ? Et bien le marketing, mon brave. Là est le chef d’œuvre et là il n’y a rien à dire. Buzz phénoménale autour d’une techno vieille de 50 ans; autour d’une mythologie de pacotille déjà vue mais consensuelle en ces temps de dérèglements climatiques; buzz autour d’images de synthèses techniquement impeccables à défaut d’être révolutionnaires … et voilà. Des moyens, une dose de chance un peu provoquée et c’est parti. Et puis après un paquet d’Haribo, une dose de Magnum bien froid et un bol de PopCorn ont peut retrouver son esprit Playmobil, Polly Pocket qui sied au spectacle : alors tout devient possible.

Dans deux ans tout le monde aura oublié cet avatar qui selon le dictionnaire est aussi une « aventure fâcheuse, malheureuse ».

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