Ruban blanc : chef d'oeuvre

Je serai direct : Ruban blanc est exactement le type de film que je considère personnellement comme du très grand cinéma – et on comprendra aisément au passage pourquoi je considère Avatar comme un divertissement sans importance.L’image d’abord : Haneke a fait le choix du noir et blanc. Le choix est plus risqué qu’il n’y parait car il souligne le graphisme et le cadrage de l’image. Formuler autrement, j’ai toujours pensé qu’une belle image était souvent plus forte en noir et blanc mais qu’une image ratée l’était absolument sans ses couleurs. L’image dans ce film est superbe: par son grain et sa lumière comme ses cadrages. On peut voir ce noir et blanc utilisé maintenant, à l’ère de la 3D, comme une réflexion sur le statut même de l’image, de sa construction, et de son pouvoir suggestif et évocateur; de sa valeur en tant que témoignage; de sa « vérité » comme représentation.

La mise en scène ensuite restitue admirablement l’ambiance corsetée de l’Allemagne d’avant 1914 et construit une spirale vertigineuse vers l’horreur dans ce village où le drame et la cruauté semblent en perpétuel affut.

Le script ensuite, tendu comme un arc entre l’accident du docteur et la découverte  par le pasteur horrifié de la responsabilité de ces propres enfants, et de la sienne en conséquence.

Enfin par la valeur de la réflexion que le film propose sur les racines de la montée du totalitarisme – le fait qu’il s’agisse de l’Allemagne pré-hitlerienne situe un contexte historique mais ne réduit pas le film à une simple évocation des circonstances particulières de ce moment là. Le fanatisme, l’intolérance, le refus de l’autre et le délitement des « elites » (le comte et la comtesse qui dans une certaine mesure fuient en permanence; le docteur, coupable par mépris des êtres; le pasteur, aveugle et monstre de rigorisme en perdition…) sont suggérés comme terreau fertile et propice à de futures horreurs.

Haneke ne pontifie pas, ni d’avantage n’impose sa vision comme analyse fondée d’une situation. Il ne filme pas pour nous convaincre mais nous pousser à réfléchir, ce à quoi contribue admirablement sa façon sèche et sans fioriture.

Pour moi, du très grand art et le meilleur film que j’ai vu ces derniers mois.

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