La performance : un mot entendu, rabâché et incontournable. La performance est l’Eldorado de la modernité.
Qui dit performance, dit stratégie déclinée en objectifs évalués par des indicateurs, nommés, comme il se doit, indicateurs de performance… voilà un concept qui prend la beauté abstraite d’un énoncé mathématique.
Binaire donc : tout va bien quand les chiffres sont bons et mal quand ils sont mauvais.
Nicolas Sarkozy prince de la performance ? Pour l’État, il n’est pas l’inventeur du concept (instauré par la loi de finance du 1er août 2001) mais il en est le vulgarisateur. Il a voulu plus que d’autres que son action soit jugée par des résultats quantifiés.
Malheur. Il a suffit que l’indicateur du pouvoir d’achat soit mauvais et la performance est pareillement qualifiée… Demain une récession, de mauvais chiffres de la délinquance et patatras la performance sera mauvaise… Sarkozy a voulu être évalué : il est servi.
La gauche se goberge : elle a tort. Car si elle pense avoir échappé hier aux mauvais chiffres et y échapper demain, elle s’illusionne.
Et le citoyen désormais note, apprécie, évalue, jauge se vengeant des affres subis jadis à l’école ou aujourd’hui au travail…
Bien sûr, les chiffres sont pertinents; personne ne doute par exemple que l’augmentation du nombre d’entrées dans les musées ne soit un bon indicateur de la vitalité culturelle de la France et de l’efficacité de Madame Alabanel; chaque citoyen, avec de tels indicateurs, est bien sûr un juge objectif du résultat d’une politique. Enfin on peut juger “objectivement” si les ministres travaillent bien, comme le chef juge la performance du travail de ses subordonnés avec une pertinence souvent en tout point semblable: vengeance… vive la technocratie !
Peu importe de quoi il s’agit : le chiffre par sa persuasion abstraite et néo-scientiste vaut caution, vaut légitimité. Enfin… voire.
Car d’instinct, nous savons tous que la politique n’est pas là pour faire une jolie statistique, mais pour assurer au mieux le bien être et le bonheur des citoyens. Et ce sentiment là n’est pas chiffrable.
Alors, messieurs les performants, cesser de vous cacher derrière des chiffres; une seule question importe : performant, oui; mais pour quoi faire ? Pour quel dessein ? Il est grand temps de revenir au font: la politique.