Buren investit la nef du grand palais.
Supportés par des poteaux métalliques, faces blanches ou noires en échos aux rayures, des ronds de couleur bleue, orange, jaune, vert, de différentes tailles sont répétés à l’infini, créant une sorte de velum à trois mètres du sol ou, plutôt, une canopée de forêt de plastique et de métal. La lumière joue différemment en fonction de l’heure du jour et des conditions atmosphériques. Au croisement des deux nefs, le velum disparaît. Des miroirs ronds au sol reflètent la coupole, rayée de bleue. Au dessus, un drapeau « spécial » flotte au vent.
Un dispositif sonore (peu audible) répète des chiffres. Une librairie intégrée assure la promotion du label « Buren ». Un site (http://www.monumenta.com/fr) décline toutes les explications et détails nécessaires à la compréhension de l’oeuvre dont je romps ici la description.
De l’œuvre ?
Il est des jours où l’ahurissement est tout prêt de le céder à la colère.
Car il en est des ronds de plastiques de monsieur Buren comme des ronds dans l’eau des jeux d’enfants, ou, mieux, des ronds de jambe des filles des revues d’antan: futiles et insignifiants.
Car il en est du contenu de ces textes au détour desquels ont ne serait pas surpris de lire une citation attribuée à Dérida (« il y a des nuages aujourd’hui » car Dérida l’a assurément dit ou écrit au moins une fois), comme des babillages des gouters bourgeois, quand, autour d’une madeleine trempée dans le Earl-Grey, on convoque le temps jadis, assis contre le guéridon, refaisant le monde à ses couleurs, s’échangeant un carré Hermès et jaugeant les mérites du dernier gloss qui, voyez-vous, ne tache pas – la blanche porcelaine des tasses fleuries est laissée immaculée – : obsolète et anachronique.
Car il en est de cette chose suspendue, comme de la toile brillante d’un faux plafond de salon de beauté de pacotille où le reflet des gestes experts cachent mal le ravage du temps sur les visages défaits et vulnérables : pathétique.
Car Buren est le nouveau Cabanel, coqueluche des édiles, qui suspend des couleurs de bonbons sur les têtes officielles qu’il flatte désormais, Prada ayant remplacé Worth. Et Cabanel avait du savoir faire et Buren du savoir vendre.
Il vend du joli à rayures boursouflées en cercles de couleur (quelle subversion !), plats comme des chapeaux improbables, oublieux de la troisième dimension au point, vraiment, qu’on croit à des stands de foire, répétitifs et formatés, des stands des seventies où fleurs énormes, vagues marrons et oranges et pattes-d’éléphants auraient leur biotope et où manquent l’odeur et les fumées d’encens à défaut de substances moins innocentes, transmutant enfin tout ce bazar en évanescents arcs-en-ciel de cristaux.
Revenons vite en 2012, à la Triennale ! Et que la nef du grand palais est belle, sous le soleil de mai !