Depuis le 1er décembre 2016 et jusqu’au 2 avril 2017, la Tate Moderne de Londres organise une exposition consacrée à Robert Rauschenberg 1. Il s’agit de la première grande rétrospective consacrée à l’artiste depuis sa mort en 2008.
L’exposition est organisée chronologiquement (certes, pourrais-je ajouter), mais en concentrant le propos dans chaque salle sur une technique particulière ou une approche spécifique. Dans la première salle, sont présentées les premières expérimentations de l’artiste, puis, dans les salles suivantes, ses « Red Paintings », ses « combines » où il applique des objets à la toile, et ainsi de suite, les « silkscreens », les performances, le goût pour une certaine technologie à la fin des années 60, l’abstraction, les voyages et l’engagement plus politique, pourrait-on dire, via la « Rauschenberg Overseas Culture » (ROC, active de 1984 à 1990) où l’artiste prétend créer des dialogues avec d’autres artistes dans des pays souvent sous dictature (Chine, Cuba, URSS, Venezuela…), l’usage du métal et enfin les dernières pièces où Rauschenberg a largement recours à la photographie.
Des pièces d’archives et des esquisses viennent compléter le parcours et un booklet illustré, gratuitement disponible, reprend les textes de l’exposition, où les commissaires tissent intelligemment le fil qui lie chaque période et chaque expérience plastique.
Rauschenberg a su garder longtemps des liens avec certains des artistes qu’il a côtoyés au Black Mountain College au début des années 50 et particulièrement Merce Cunningham pour qui il conçoit des décors et des costumes. Il a entretenu dans les années 50 un lien artistique avec Jasper Johns. Il est resté en contact avec le monde qui l’entourait, renouvelant ses supports et techniques, croyant un temps à la possibilité de l’emploi d’une certaine technologie dans l’art fondant avec Whitman, entre autres, la fondation « Experiments in Art and Technology »(E.A.T.) à la fin des années 60. La fondation a mis en lien prêt de 2000 artistes et 2000 ingénieurs à travers le monde.
En d’autres termes, Rauschenberg a peu travaillé dans une solitude solaire et son travail reflète ce goût pour une certaine générosité collective et, pour ainsi dire, sociale et politique, qui, au-delà du théâtre de l’art, de ses conflits et intérêts, rayonne toujours. Et c’est cette générosité que j’ai éprouvée : Rauschenberg cherche, trébuche parfois, mais se donne et le résultat est souvent fascinant : les combines, par exemple, comme Monogram, 1955-1959 présentées en 2006 au Pompidou et présent ici.
On l’aura compris, j’aime ce travail et l’exposition est magnifique (sans parler du catalogue).
Évidemment la tentation est bien forte d’établir un lien avec l’exposition Cy Twombly au Pompidou, et enfoncer un clou de plus dans son cercueil déjà bien fermé à mes yeux ! Je dirai simplement qu’à Londres, Rauschenberg n’est pas mis au placard, y compris dans sa relation avec Twombly (salle 1, je cite « In 1951 Rauschenberg began a relationship with artist Cy Twombly )»; que son travail est mis en perspective avec la scène artistique de l’époque, expliqué et documenté. On sent un propos.
Direction la Tate pour les commissaires français ? On pose ses Paris Match, Voici et Gala ? Manque de « moyens » ? Poor guys ! Ou les expositions reflètent-elles ce qu’on pense des deux artistes dans chaque institution ? Alors, pauvre Twombly !