Les éditions Du Gui publient un volume luxueux et numéroté sur un sujet fort rare : Le Grand Trianon à Versailles. Il n’existe en effet aucun ouvrage récent consacré à ce palais de marbre et encore moins d’étude approfondie d’histoire de l’art. Tout juste les amateurs connaissent-ils les publications de Bertrand Jestaz dans la Revue des arts (de mon point de vue dépassée quant à ses thématiques et enjeux) ou d’Antoine Schnapper, sur la peinture du palais, ouvrage introuvable et irremplaçable mais vieillissant.
Ce livre veut combler ce vide. Au regard du sujet et de son importance dans l’émergence d’un style (celui du XVIIIe siècle), de l’histoire complexe du bâtiment, de sa qualité mais aussi de sa singularité, l’ouvrage, obligatoirement, déçoit.
Il ne révèle rien, ni dans les analyses, ni dans l’iconographie, ni dans les pièces justificatives (il n’y en a pas !) qui ne soit déjà connu, écrit, lu, voire ressassé. Rien sur l’ascendance ni la descendance du Palais, sur sa fortune ou infortune critique, sur sa genèse et le rôle de LeNotre – suggéré par Saint-Simon; aucune découverte nouvelle (les deux tables ayant appartenues au Trianon de Louis XIV, l’une par Gole, l’autre de pierres dures sont connues et publiées depuis longtemps).
On regrettera particulièrement que l’auteur ne présente pas l’intégralité des dessins des décors intérieurs et en grande partie déjà publiés par A et J Marie, notamment du dernier appartement aménagé pour Louis XIV; qu’il ne reprenne pas sous un nouvel angle l’étude de la grande commande de peintures, la plus importante du règne en dehors des grands décors. On reste perplexe devant l’absence d’un réel intérêt porté aux jardins (les principaux plans où gravures du début du XVIIIe siècle ne sont pas d’avantage publiés), au point que l’auteur semble ignorer la restauration (laborieuse) des salles vertes – trace d’un conflit entre conservateurs ?. Enfin, mais il s’agit là d’un jugement très subjectif, j’ai fatigué à cette énième description du mobilier de la geste napoléonienne pour laquelle je n’ai aucun goût.
On l’aura compris le livre de Jérémie Benoît est un guide historique luxueux, mais certainement pas la monographie du Palais qui reste à écrire.
Tout cela serait sans importance si l’objet n’était vendu 160€, une somme d’autant plus déraisonnable que la maquette, certes luxueuse, ne partage rien de l’élégance aristocratique du sujet. Et même le prix serait peu de chose, si ce livre « politiquement correct » ne fermait la voie sans doute pour longtemps à la publication, dans de bonnes conditions éditoriales, d’un vrai travail de fond.