Une pièce avec Isabelle Huppert à l’affiche m’a toujours attiré ; et évidemment une création à l’Odéon constitue un supplément de tentation.
Je suis donc aller voir Un Tramway d’après Un tramway nommé Désir mise en scène et adaptée par Krzystof Warlikowski .
Il s’agit d’une adaptation de l’œuvre originelle dont l’intrigue aurait été approximativement respectée, et découpée, et chargée de citations (la Bible, Platon, la Jérusalem délivrée dont le texte défile en arrière plan)… une œuvre originelle déjà réinventée dans le film hors norme de Kazan, habité par les figures mythiques de Brando et Viviane Leigh.
Que penser de ce travail sinon que j’ai senti comme le mors d’un piège à loup sur la cheville, ou la violence du revolver sur la tempe… entre deux bâillements ?
Bien sûr le dispositif scénique est cohérent ; bien sur « la » Huppert est formidable quoi que – et à mes yeux pour la première fois – le cabotinage guette… parce que l’actrice porte l’œuvre et qu’elle le sent certainement. Ses partenaires, sans démériter, semblent bien ternes et le méritant Andrzej Chyra ne peut lutter avec le fantôme torride de Brando.
Tout le problème vient que l’œuvre subtile de T Williams est tout simplement … trahie et en écrivant cela le piège est déjà refermé. Car j’entends immédiatement tous les ayatollahs de la mise en scène libre et immanente et post-machin qualifier cette appréciation de réactionnaire et « petite bourgeoise »… Une fois cela posé, n’est-ce pas, que dire ? Warlikowski n’est pas T. Williams, voilà tout ; et ces ajouts alourdissent, pour ne pas dire plombent, le choc des deux mondes (l’ancien perdu et en ruines en tous les sens du terme de Blanche Dubois ; le nouveau, laborieux, vulgaire mais animé d’une force vitale et sexuelle supérieure, de Stanley Kowalski) qui se croisent dans un concert de mensonges … fil conducteur de l’œuvre.
Dans Un Tramway, il ne s’agit plus de mensonge tant Huppert confère à sa Blanche Dubois une hystérie si flagrante que d’entrée il n’est plus question que de folie en devenir voire déjà advenue. L’érotisme de l’œuvre est dissous à la fois par la nudité plus ou moins fugitive des acteurs – où l’on voit qu’un corps nu parfois, tue l‘érotisme – et leur manque de charisme ; même Huppert, ne retient pas cette facette clé de la Blanche de Tenessee.
On songe à ce qu’aurait pu être Blanche par Huppert dans le « vrai » texte… On a tout le temps d’y songer d’ailleurs tant cela semble long parfois…
Au final, alors que la situation et l’ultime réplique sont à peu prêt celles de la pièce originelle, les applaudissements tardent, comme si le public se réveillait… c’est dire !
PS : je conseille la lecture du livret fournit à l’entrée. On y trouvera un charcutage redoutable d’un texte de Baudrillard (Amérique). Bien que le texte n’ait pas été réécrit mais seulement découpé, je trouve le résultat si mauvais, pontifiant et ennuyeux qu’il me semble illustrer au sens trivial du terme tout ce que l’on voit en salle : du carpaccio de littérature, finalement prétentieux et sous caution voyante d’auteurs trop fortement sollicités.