L’iPad encore et toujours ?

Sans doute parce que l’iPad constitue à mes yeux un sommet de futilité, un faux besoin créé ex-nihilo par quelques génies du marketing, que les réactions suscitées par sa sortie, me semblent finalement dessiner à grands traits une assez bonne « caricature » d’un mode de penser ou, plutôt, d’une mécanique de pensée aisément transposable – on peut le craindre – à des sujets plus graves.

Le conformisme ou l’inverse

Première famille de réactions : l’admiration béate autrement qualifiée dans le jargon au vocabulaire restreint – ou abscons à force de « technicité – des « geeks », effet « waou » (miaou ?).
Caricaturé cela donne : appareil révolutionnaire, incroyable, stupéfiant … soit le vocabulaire employé par Steeve Jobs pour promouvoir son produit. Dans sa bouche ces mots sont légitimes. Sous la plume des testeurs, journalistes ou autre « amateurs » de tels dithyrambes sont plus surprenants et trahissent, me semble-t-il, un certain manque d’objectivité.
En règle générale, ces critiques émanent d’une « communauté » acquise à la cause – celle d’Apple ici – qui ne saurait « faire » de mauvais produits ou tenir de mauvais raisonnements. Comment avoir oublié qu’en l’espèce, il y a à peine dix ans, « la firme » était moribonde, que ses produits étaient objectivement peu convaincants et que le désormais si vanté Mac OS était bien connu pour afficher la fameuse « bombe de la mort » plus souvent qu’à son tour, tout cela à des tarifs stratosphériques ?
L’avis de la communauté des conformistes officiels ne m’intéresse pas…

L’anticonformisme ou l’inverse

Deuxième grande famille de réactions : la critique acerbe, limite ironique, genre : « c’est quoi cet engin qui n’a même pas un port USB » (rires moqueurs dans la salle). Et c’est quoi un port USB ? (non je plaisante). Et d’égrainer la longue litanie des paramètres techniques manquants ou défaillants (port USB, processeur inconnu, lecteur de carte, machine à café intégrée …)… Bref une réaction « technique », experte, qui analyse en laboratoire: on dissèque, on mesure, on chiffre… comme si madame ou monsieur Michu possédaient un oscilloscope pour mesurer la « performance » de leur lave linge ! Et parce qu’on chiffre – ah ! le pouvoir suggestif du chiffre, tenez je vous en donne un, pour votre satisfaction, 37,2 – l’avis semble objectif. Dans un certain sens il l’est d’ailleurs. Mais un chiffre ne mesure jamais… que ce qu’il mesure et dont l’intérêt peut être bien mince. Par exemple à quoi servirait un thermomètre sur votre machine à café flambant neuve et préprogrammée pour vous permettre de consommer bien chaud votre breuvage favori à peine un orteil posé à terre ? A éveiller la conscience scientifique de votre poisson rouge ? A établir une statistique savante pour confirmer qu’après dix ans d’utilisation intensive le calcaire a objectivement altéré les performances de la résistance chauffante ?
A contrario, contrôler l’énergie et l’eau consommées – automatiquement car en l’occurrence on se moque des chiffres – est plus intéressant au moins pour le porte-monnaie…
Bref, l’avis technique non rendu à son contexte d’usage, ne m’intéresse pas – vous l’aurez compris.

Certes tout cela est caricatural et, évidemment, certains auteurs ont cherchés à évaluer réellement l’iPad, et surtout à présenter son fonctionnement. De ce point de vue, les vidéos présentent sur le net dont personnellement je coupe souvent le son, permettent à chacun de ce faire une idée du gadget avant de se forger une opinion personnelle en le testant soi même.

Et c’est où je voulais en venir: pour ce sujet absolument futile, comme pour d’autres bien plus graves (le climat, les violations des droits, la misère…), j’essaie de veiller à me forger autant que possible ma propre opinion et me donner les moyens d’y parvenir autant que faire se peut ce qui sous entend que je dois rester capable de changer mon point de vue si un argument imparable venait à révéler mon erreur. Tout cela pour agir en conscience. Or je sais qu’il y a souvent empêchement : parce que mon niveau d’éducation – face à l’image par exemple – n’est pas suffisant; parce que mes compétences manquent puisque le mythe du savoir universel est évidemment inaccessible désormais et je n’ai pas cette prétention; parce que la pluralité des sources manque; parce qu’il y a conformisme (ou l’inverse) et pression sociale… enfin parce que le temps manque, étape décisive que de savoir prendre le temps de réfléchir, assimiler et comprendre.

Je sens qu’à force de manque de temps, c’est mon intelligence qui est menacée et ma capacité à agir en Citoyen; que la facilité, l’afflux incessant d’informations dont beaucoup me sont inutiles, noient l’essentiel et affaiblissent ma vigilance; c’est cela qui m’inquiète et que l’iPad, dérisoire assemblage de silicium, de verre et d’aluminium, m’inspire.

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