Sur France Inter : la flamme …

Un peu par hasard,  j’ai écouté le journal de 13h sur France Inter lundi 7 avril.
Le sujet principal en était le parcours de la flamme olympique à Paris; un « envoyé spécial » sur place et la rédaction « mobilisée » en studio.

Le résultat a été époustouflant : l’envoyé spécial, témoin oculaire, circulant quelque part vers le pont de Bir-Hakeim, à quelques encablures de la Maison de la Radio, n’avait manifestement qu’une compréhension très partielle des événements, perdant la flamme, la cherchant et ignorant finalement si elle brûlait toujours, en bus ou en porteur.
Dans le studio, le journaliste au fait des événements, lui, complétait et corrigeait. A ce compte, la flamme s’est éteinte et rallumée plusieurs fois… Une flamme éteinte, qu’est-ce au juste?

Résumons : le témoin oculaire ne comprend pas ce à quoi il assiste l’avouant d’ailleurs. En régie tout semble appréhendé… tout se passe sur un pont de Paris.

Que vaut le témoignage alors, sinon l’aveu de l’incompréhension ? Et que valent les témoignages d’événements distants de milliers de kilomètres si déjà à Paris rien n’est clair ? Recouper, multiplier les sources, voilà en effet qui n’est possible quand dans le calme et la retraite d’un studio… Comme la justice, l’information, la vraie, supporte mal le spectaculaire trop vite jeté en pâture, le direct trop simpliste. Le temps est nécessaire.

Or pourquoi tant de bruit ? Pour protester contre la situation au Tibet. Mais qu’en sait-on au juste ? Des informations partielles ont filtrées; des chiffres – des morts bien sûr – ont circulé. Mais les journalistes ont peu d’accès directs aux lieux; recouper l’information est difficile et Pékin brouille les messages.
Ce qui se passe exactement au Tibet nous échappe et l’instrumentalisation des JO est telle qu’un doute légitime impose la plus grande prudence. N’oublions pas que pour une certaine presse américaine, la France de novembre 2005, par exemple, avait sombré dans la révolution; le pays qui avait osé dire non à la guerre en Irak n’était potentiellement plus qu’un chaos, images à l’appui. Évidemment la ficelle était trop grosse. Sommes nous assurés qu’elle l’est moins cette fois-ci ?

D’autant qu’après tout, je ne suis pas sûr qu’entre la théocratie des moines et la technocratie de la nomenclatura chinoise la frontière soit bien grande au regard des droits de l’homme: aucun des deux « régimes » ne me semble structurellement porteur des gènes de la démocratie quel que puisse être le message de paix et d’amour du Dalaï-Lama. Pour l’heure, c’est juste une question de rapport de force et d’images.

Sans nul doute, la population du Tibet vit-elle sous le joug d’un occupant qui se comporte comme tel : en seigneur et maître; les français savent ce dont il s’agit comme occupant et occupé. Certes, la Chine viole la liberté de la presse, la liberté de conscience, la liberté d’opinion… mais tout cela est connu. Le vrai combat ne peut être mené que de l’intérieur : par la résistance nourrie par la culture, la circulation des idées, des pratiques … et certains luttent dans ce sens depuis des années, dans l’ombre, au péril de leur vie ou de leur liberté : des étudiants, des civils, des religieux mêmes, et certains sont européens.

Alors oui, je crois que les JO sont plus subversifs à Pékin en 2008 qu’à Londres en 2012. Je crois que cette subversion là peut être plus puissante à établir le règne de la liberté et des droits de l’homme que les manifestations histrioniques de lundi. Je pense que les médailles des athlètes noirs au jeux de Berlin restent un symbole tangible de l’inanité des théories nazies; ce qui n’a pas empêché la guerre, certes. Et je crois qu’aider durablement le Tibet, c’est d’abord voir la démocratie en Chine.

Vive l’olympisme, car les symboles qu’il véhicule restent plus puissants et durables que tous les régimes temporels et contingents.