Marie-Antoinette …

L’exposition Marie-Antoinette au Grand Palais est sans doute possible une des expositions phare de ce printemps. Les salles ne désemplissent pas. Une foule passionnée et curieuse se presse pour admirer les souvenirs, objets et fantômes de la dernière reine de France.

Certes l’exposition, en ce sens, ne déçoit pas qui nous montre quelques uns des chefs d’œuvres des arts décoratifs commandés par et surtout pour la reine. Les grands ébénistes sont représentés: Weisweiler, Jacob et évidemment Riesener. La perfection de leurs œuvres – en particulier dans la ciselure des bronzes d’une finesse et d’une exécution éblouissantes –  peut enfin être contemplée à une distance qui permet pleinement d’en apprécier les détails. L’ébouriffant et monumental serre-bijoux de Schwerdfeger, que tous les visiteurs de Versailles connaissent, peut lui aussi s’approcher à une distance impossible à l’ordinaire, révélant mieux sa monumentalité et la préciosité du décor. Les portraits de Madame Vigée-Lebrun, les plus connus en tout cas, ne manquent pas d’avantage à l’appel : on reconnaît bien ces œuvres délicates qui balancent entre scandale – poses presque lascives et en tout cas négligées – et solennité, entre intimité et propagande. Pour le reste, souvenirs de Vienne, Sèvres magnifiques et en final tragique, caricatures vachardes, pamphlets assassins, lettres intimes et lucides d’une souveraine déchue, pour une conclusion sur le dessin saisissant de David, croquant sur le vif une femme en chemin vers sa mort.
La scénographie de l’exposition, confié à Robert Carsen, metteur en scène d’opéra, surligne les étapes d’une vie, de l’enfance à Vienne présentée comme dans une enfilade d’appartement, au luxe de Versailles, Marly, Saint-Cloud et évidemment Trianon, montré dans un décor d’opéra, pour finir, misérable, au Temple et à la Conciergerie.

Très bien. Mais encore ?

Les objectifs revendiqués d’approcher et rendre sensible le caractère de la femme derrière le personnage historique presque romanesque tombent à plat (j’ajouterais d’ailleurs, comme toujours en pareil cas). L’exposition nous suggère une vie de plaisirs pour l’essentiel hermétique aux désordres et aux enjeux du monde. N’étaient-ce une fin peu commune, et un rang en son temps particulier, rien dans ce que l’on voit ne révèle le trait d’une personnalité singulière : Marie Antoinette n’a pas vraiment laissé d’œuvre personnelle. C’est d’ailleurs le chapitre de l’exposition consacré au « mécénat » de la reine, le plus fourni en chefs d’œuvre, qui est aussi le plus cruel : victime de la mode, soit, mécène sûrement pas. Aucune peinture, aucune sculpture majeure ne vient attester d’un intérêt quelconque de la souveraine pour autre chose que les arts décoratifs, le confort qu’ils procurent et la séduction qu’ils révèlent. La Reine ne fréquentait pas le Salon autrement qu’en propagandiste. Et si il y eut un goût « Marie-Antoinette », le style ne lui appartient pas et l’essentiel de la marche de l’art se passe loin d’elle. Même dans ce domaine privilégié à l’adresse d’une élite, Marie Antoinette ne manifesta aucun sens particulier, aucune acuité connue à l’évolution des Arts.
Aussi, l’exposition n’est-elle que ce que l’on peut en attendre : une présentation convenue et convenable de vieux souvenirs, guettée par l’ennui .
Pour le parfum d’un moment, tout de partis pris certes, le film de Sofia Coppola est bien plus affûté : il approche un certain parfum de l’époque. Il prend parti avec talent. Cette Marie Antoinette là n’est pas vraie, bien sûr, mais au moins elle vie et elle respire …
Décidément, on manque d’air au Grand Palais !