Murakami à Versailles : fleuri

L’exposition Murakami à Versailles a été précédée de longue date d’une réputation que l’on pourrait qualifier d’ambiguë.

Cela a commencé par les cris d’orfraie des tenants d’un Versailles royal qui ne voient le domaine qu’hanté par les fantômes de Marie-Antoinette ou du Grand Roi, préférant la lourde et très discutable restitution de la grille royale à toute initiative plus originale et stimulante. Laissons les à leur rancœur.

Puis les critiques d’un certain milieu de l’art étonné que monsieur Aillagon multiplie à ce point les emprunts aux artistes de la galerie Perrotin et collectionnés par F Pinault… les mauvaises langues, non sans quelques arguments bien sentis, ont pu distiller leur venin sur les intérêts obscurs de l’ex-ministre anciennement conseillé auprès des collections du milliardaire… on est loin toutefois de l’art et bien proche du mercantilisme le plus débridé, disant assez les préoccupations qui parfois agitent ce milieu là. Laissons le à sa cupidité ou à sa naïveté, selon le regard indulgent auquel on consentira.

Cela se poursuit, plus grave encore, par les interviews laborieuses – au mieux – pathétiques – au pire – de l’artiste lui même qui semble décidément accréditer l’idée qu’il n’est qu’un homme d’affaires avisé soucieux d’engranger de juteux dividendes. Mais il est vrai, à sa décharge, qu’il n’est pas le seul artiste vivant peu doué pour donner sens par des mots à sa démarche. Laissons le à ses maladresses.

Car que voit-on à Versailles ? Des figures bien sympathiques à l’exécution techniquement parfaites et qui se réfèrent à l’univers désormais visuellement assimilé des mangas. Des figures fort innocentes, la plus provoquante étant cette bimbo à l’air de Arielle Dombasle japonisante qui semble un peu perdue, noyée sous les fastes du salon de la guerre. Pour ceux qui connaissent l’artiste et ces audaces – façon de parler – à tendances dites « pornographiques » genre  My Lonesome CowBoy des collections Pinault, tout ce qui est présenté à Versailles semble bien sage et consensuel. Le public sourit en effet, s’amuse devant cet univers coloré, ces fleurs qui sourient, ce tapis et cette peinture de « mille fleurs » de la salle des gardes du roi, seule œuvre qui occulte le décor et prend ainsi une certaine présence – Kawaii – Vacances et Sans titre. On rirait presque devant l’autoportrait en empereur qui semble singer, l’autre, celui de David, se sacrant lui même. On est en droit de penser que la figurine de Murakami n’est pas moins ridicule que la figure mythiquement embaumée qu’elle semble singer.

Car l’intérêt – très relatif – de l’exposition est là, de révéler ce qu’a pu avoir d’un peu excessif parfois le Versailles royal et de ridicule tout ce qui a pu tenter de l’imiter une fois passée sa raison d’être.

Certes un malaise s’installe devant ces sourires top figés et les dents acérées  de Oval Buddha. Mais ce malaise est bien léger et vite dissipé. Ce qui prédomine est un parfum d’insignifiance joyeuse ; le sentiment que tout cela est aussi futile et décalé que les converses dans le Marie-Antoinette de Sofia Copolla, sans sa force ; aussi coloré que les macarons et pâtisseries dont elle se goinfre dans une scène mémorable où le rose et le vert fluo envahissent l’écran. On goute Murakami à Versailles l’esprit aussi languide que la reine de cinéma à ce moment là… sans connaître la suite.

On passera donc. Murakami ne mérite ni opprobre ni compliment. Son art plait comme un parfum de Chanel : sophistiqué et dispensable.

Reste que la formule « art contemporain » à Versailles est déjà épuisée. Que le lieu résiste et s’impose ; Que Laurent Le Bon et JJ Aillagon se répètent, copiant leurs commentaires d’une année l’autre… encensant n’importe qui des mêmes mots, peu importe l’artiste, puisqu’il s’agit des meilleurs (sic). Tout cela est un peu court à Versailles et impossible de ne pas penser à la scène fameuse de Ridicule de Lecomte quand l’abbé joué par Giraudeau démontre l’existence de Dieu devant le roi et, histrion inconscient, conclut en substance qu’il remet au lendemain la démonstration inverse, ce qui signe sa disgrâce.

Abyssal.

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