Stéphane Hessel, 93 ans, a commis un petit opuscule de treize pages en tout et pour tout intitulé Indignez vous ! et qui a fait un triomphe éditorial. Il est vrai qu’un tel succés pour ce qui n’est, en volume, qu’une grosse rédaction peut surprendre. Mais précisément, bref et incisif, facile à lire par conséquent et vendu un prix modique, surfant sur le tropisme fraçais qui aime l’indignation et le succès est là.Certain le fustige parce qu’il parle de Gaza. En effet Indignez vous ! est un plaidoyé bref et vibrant pour que ce conflit cesse et qu’enfin adviennent la paix et le respect entre ces deux peuples dont les querelles n’ont provoqué que trop de drames. Au delà de ce plaidoyé, ceux qui espéraient trouver là matière à une contestation systématique en seront pour leurs frais
Je retiendrai pour ma part un mérite à ce petit texte : Stéphane Hessel à l’intelligence et l’élégance particulièrement rares de préciser sa pensée et de définir clairement ce dont la violation doit systématiquement indigner et sans transiger : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par les Nations Unies et dont Hessel a participé à la rédaction. Rien que pour cette précision – lumineuse dans son principe – et si rare dans trop de livres, articles et publications, on appréciera ce document.
Car Hessel, en à peine quelques mots, souligne l’ambition de ce texte fondateur dont le terme universel fut pesé, en concurrence avec l’adjectif international dont on notera en effet qu’il recouvre une toute autre signification et affaiblit singulièrement la portée. L’universalisme revendiqué de cette déclaration de 1948 permet de fait de s’en réclamer universellement et de fonder une penser qu’elle légitime. Cela change des argumentaires fondées sur des opinions qui n’engagent que ceux qui les émettent et ne peuvent prétendre de quelque manière à cet universalisme.
Toutefois, ne soyons pas naif et l’universalité du texte est hélas d’avantage autoproclamée que réelle. Pourtant, sa signature par 48 des 58 Nations présentes soucieuses d’en finir avec les atrocités de la guerre – globalement l’ex bloc de l’Est s’abstint mais ne s’opposa pas – constitue une légitimité sérieuse à laquelle peu de textes peuvent prétendre.
Alors oui, au nom des droits universels de l’homme on peut s’indigner de la situation à Gaza, mais d’avantage encore de l’hypocrisie des nations occidentales qui se taisent devant des situations où ces droits sont bafoués (Corée, Libye, Tunisie jusqu’il y a peu, Yemen, …). Le cas du Tibet, dont le possible régime démocratique n’est qu’une théocratie qui ne veut pas dire son nom – et je ne connais pas de cas dans l’histoire d’une théocratie démocratique – est trop ambigu, quelles que soient par ailleurs les terribles souffrances de ce peuple et les atrocités commises là par la Chine et qui aussi doivent susciter l’indignation.
Et que dire de ces « people » qui ont tant fréquenté Hammamet: une semaine avant la chute du régime, l’une des leurs, au fond, je veux dire Michèle Alliot-Marie, a proposé son aide à un régime voué aux gémonies à peine tombé. Le principe d’indignation n’est plus issu seulement de la déclaration de 1948, mais bien du respect à l’intelligence que tout citoyen est en droit d’attendre de ses représentants. Et là, que d’indignation en devenir ! Hélas, car la peur et la bêtise sont les meilleurs alliées des fascismes en tout genre. On rejoint encore et encore les principes qui ont fondé la manipulation de Colin Powell pour obtenir la légitimité des mêmes Nations Unies à intervenir militairement en Irak.
Et PowerPoint n’y est pour rien !