Monumenta 2008 : Richard Serra expose au Grand-Palais.
On connaît bien les sculptures monumentales de Richard Serra faites d’acier (Clara-Clara déjà exposée aux Tuileries en 1983). On sait son souci d’occuper l’espace. Alors soyons direct, la réussite de son œuvre « Promenade » au Grand-Palais est tout simplement totale.
Il s’agit d’immenses tôles de dix sept mètres de haut, quatre de large et de soixante-quinze tonnes chacunes… disposées dans l’axe de la grande nef, légèrement décalées et de biais. L’idée rappelle une autre œuvre de Serra, Ballast à San Francisco. Mais le plein-air américain a fait place au volume clos de la nef du Grand Palais et cela change tout. La sculpture n’est plus seule; elle compose avec le cadre dont elle prend la mesure; elle entre en résonance avec un lieu.
L’intelligence de ce travail est immédiatement sensible: Serra a fait en sorte que le déplacement induise un changement permanent de perception non seulement de l’œuvre mais du cadre lui même. L’œuvre se révèle, s’enfuit, disparaît à la mesure où la nef en fait de même, à contre-temps. En ce sens le titre très simple est un résumé parfait : Promenade incite à la divagation du corps et de l’esprit.
Dès lors, l’énormité de l’œuvre qui finalement n’est qu’à l’échelle du lieu et l’exploit technique qu’elle représente disparaissent. Le paradoxe angoissant de la pesanteur et du déséquilibre de ces monstres d’acier dont un coin de la base se détache du sol comme si une force surhumaine les extirpait de leur socle de béton pour provoquer leur chute, joue peu et plutôt sur un mode humoristique sinon ironique. Ces colosses semblent marcher avec nous… Ils jouent avec la lumière opposant leurs faces sombres à la verrière lumineuse qui les abrite, comme des arbres jouent avec le soleil…
On n’est moins écrasé qu’éblouit par la justesse des proportions… et on tourne comme en forêt, comme à l’évidence en oubliant et le lieu et l’œuvre tant tout semble naturellement à sa place, simple et définitif.
Dire que j’ai aimé est peu; c’est, pour moi, du très grand art.